Trempo, le plus européen des nantais

Posted on | 2 Comments

Créé en 1990, Trempolino est une structure associative nantaise dédiée aux musiques actuelles, qui contribue au développement de la filière musicale régionale et à l’émergence de nouvelles pratiques artistiques. Avec une curiosité insatiable et des valeurs fortes imprégnées dans son ADN, « Trempo » ainsi que son directeur Olivier Tura le rappelle, est une association dite « engagée » dont « tous les projets sont sous-tendus par des convictions politiques majeures ». Expérimenter, créer, trouver des solutions aux maux, collaborer avec toutes les forces vives de la région et d’ailleurs, tel est le mantra de ce lieu culte.      

                                      

Car si Trempolino est connu pour son enracinement nantais et pour sa volonté de proposer des actions accessibles au plus grand nombre sur son territoire en partenariat avec d’autres structures culturelles, il l’est un peu moins pour son rayonnement international et plus récemment européen. C’est d’ailleurs son implication à l’échelle de notre continent qui nous a interpellés à la Maison de l’Europe. En effet, depuis trois ans, l’association a fait le pari de s’impliquer dans de nombreux projets européens (EMI, Slash, Slash 2) et de créer une communauté au-delà des frontières.     

                           

De Lisbonne à Liverpool en passant par Gênes et Zagreb, l’association a tissé des liens solides au fil des ans avec d’autres villes européennes et monté des actions d’envergure en faveur des artistes. Toujours porté par ses convictions, ses projets transdisciplinaires dépassent largement le cadre de la création musicale pour prendre une dimension plus engagée et engageante.         

                            

Olivier Tura nous explique dans un entretien qu’il nous a accordé comment, selon lui, des problématiques auxquelles sont confrontées les musiciens actuels ne peuvent être abordées et solutionnées qu’à une échelle européenne. Sa conviction envers le projet européen dans une période où la tendance nationale est plutôt au repli sur soi, nous a poussés à en savoir davantage sur les actions de Trempo. Une chose est certaine, le destin ne nous aura pas rendus voisins par hasard…

Trempo, une association musicale nantaise innovante

En trente ans, Trempolino s’est imposé sur la scène nantaise comme une association phare œuvrant dans le domaine de la filière musicale. Avec 29 salariés permanents et 80 collaborateurs plus ponctuels, l’équipe de l’association travaille autour de deux grands champs d’activités : un campus musical et une plateforme d’accompagnement de projets musicaux.      

                                                

Le campus musical vise à améliorer l’accès à la pratique musicale, l’éducation artistique et à la création musicale. Ce qui fait de Trempolino un lieu culturel ouvert à tou.te.s proposant une programmation annuelle riche et éclectique, et menant des actions qui valorisent les nouveaux usages et les nouvelles cultures.                                                                                                                                         

Mais c’est aussi une école de musique pour tous les âges (206 personnes inscrites à l’année) ainsi qu’un studio d’enregistrement (877 musicien·ne.s sont passés entre ses murs).                                        

Son second champ d’action, la plateforme d’accélération des projets musicaux, favorise quant à elle le développement des carrières, avec une attention particulière portée sur les musiciens et les groupes émergents et les musiciens-entrepreneurs. Trempolino dispense ainsi chaque année des formations professionnelles (3160 heures, 69 modules, 452 stagiaires concernés l’an passé) et accompagne au quotidien des groupes de musique ou des musicien.ne.s pour favoriser leur insertion économique.

Trempo, une association résolument européenne

Fort d’une expérience et d’une expertise à l’international depuis plus de vingt ans, Trempolino s’est plus récemment attaché à développer des projets musicaux à l’échelle européenne.

Selon Olivier Tura, « La culture doit être mise en avant en Europe. Il s’agit d’un double enjeu politique et économique. A l’échelle européenne, beaucoup d’esthétiques musicales existent et doivent être valorisées. Mais c’est également un véritable moyen d’insertion économique pour nos artistes. ».       

    

Le tout premier projet européen de Trempo s’appelle EMI (European Music Incubator). Il a vu le jour il y a trois ans et s’est terminé en 2018. Financé dans le cadre du programme Creative Europe, et cofinancé par Nantes Métropole et la Région des Pays de la Loire, ce projet expérimental a réuni 5 pays européens dans le but de former des musiciens émergents à la diversification d’activités (nouveau business-model) et à l’entrepreneuriat. Pendant deux ans, le projet EMI a permis aux musicien.ne.s  de découvrir de nouvelles formes de carrières, mêlant des disciplines variées (jeux vidéo, théâtre, format en ligne etc.) pour répondre aux besoins et aux évolutions du marché de la musique en Europe. Cette première expérimentation fut un succès et donna envie à l’équipe d’aller encore plus loin avec leur projet Slash.

Ce 2ème projet, toujours financé par l’Union européenne à travers le programme Europe Creative, a permis de former cinq artistes professionnels émergents de quatre pays européens (Royaume-Uni, France, Espagne, Danemark) et d’acquérir des connaissances pratiques et concrètes sur l’industrie de la musique, de créer leurs outils de gestion de carrière et d’obtenir les clefs de compréhension d’un écosystème musical en perpétuel changement. Une dimension plus artistique a été ajoutée au premier projet EMI, en permettant l’organisation de résidences d’artistes et de show cases (dont les Trans Musicales à Rennes). Deux autres mobilités étaient également prévues : l’une à Athènes en février 2020, et la deuxième à Lisbonne qui a été annulée à cause du Covid-19. Le projet se conclura bientôt à Paris en octobre.

Et maintenant ?

Parmi les projets à venir, on compte sur la continuité de Slash avec la version n°2 qui réunira cette fois-ci 9 musiciens européens sélectionnés. Ce projet, co financé par la Sacem, en partenariat avec Promus au Danemark et Mil à Lisbonne, se concentrera quant à lui sur les « songwritersproducers » et démarrera au dernier trimestre 2020.

Membre du réseau Magic Carpets, l’association accueillera également en mars prochain une résidence d’artistes autrichiens qui travaillent sur un projet sonore.                                                             

Olivier Tura souhaite poursuivre sa réflexion et croiser les deux problématiques chères à l’association : valoriser les musiques actuelles et aider les musiciens émergents à trouver de nouveaux modes de rémunération.          

                                                                                                  

Selon lui, « le paradoxe actuel est que l’on n’a jamais autant écouté de musique, en streaming, partout, dans les transports, chez nous, dehors. Et pourtant, les inégalités salariales entre les musiciens n’ont jamais été aussi fortes. Comment venir en aide aux musiciens émergents ? C’est à l’échelle européenne que cela se joue. » La seconde problématique qui croise la première, concerne l’égalité homme/femme, notamment salariale, dans le milieu musical.

C’est au niveau européen que ces questions peuvent être traitées « car il s’agit de questions contractuelles, de droits, de la manière dont la musique aujourd’hui est écoutée et consommée. Cela dépasse largement la législation française. Il s’agit d’un sujet politique majeur à l’échelle européenne qui soulève des questions de réglementation : comment réglementer le streaming et les plateformes d’écoute en ligne ? La Commission doit se saisir du sujet. »    

  

L’enthousiasme contagieux, l’engagement certain, Olivier Tura conclura notre entretien en rappelant qu’au-delà de l’amour pour la musique, la création artistique et le partage, Trempolino est imprégné d’une volonté forte de faire bouger les lignes !